Le tarot de Marseille : origines et symbolisme à travers les siècles

Tarot de Marseille

Le Tarot de Marseille représente l'une des formes les plus anciennes et emblématiques de cartomancie en Occident. Avec ses illustrations mystérieuses et ses symboles complexes, ce jeu divinatoire fascine depuis des siècles aussi bien les cartomanciens que les historiens, les artistes et les psychologues. Son nom évoque la cité phocéenne, mais son histoire s'étend bien au-delà de cette ville française, plongeant ses racines dans l'Italie de la Renaissance et puisant dans diverses traditions ésotériques. Chaque carte raconte une histoire et symbolise une étape du voyage humain, formant ensemble un système cohérent capable d'éclairer les questionnements les plus profonds de l'existence.

Même dans notre monde moderne, l'attrait pour le Tarot de Marseille ne cesse de croître. Ce n'est plus simplement un outil divinatoire, mais également un moyen d'introspection psychologique et de développement personnel. Les 78 cartes qui composent ce jeu – divisées en 22 arcanes majeurs et 56 arcanes mineurs – continuent d'exercer leur pouvoir évocateur, traversant les époques tout en conservant leur pertinence.

Les origines mystérieuses du tarot de Marseille

Contrairement à ce que son nom suggère, le Tarot de Marseille n'est pas né dans la cité phocéenne. Ses origines remontent à l'Italie du XVe siècle, où les premières cartes semblables à celles que nous connaissons aujourd'hui ont été documentées. Ces jeux, appelés alors tarocchi ou trionfi , étaient initialement destinés aux jeux de société dans les cours aristocratiques italiennes. Les plus anciens exemplaires connus sont les magnifiques jeux peints à la main créés pour les familles nobles comme les Visconti et les Sforza de Milan, véritables œuvres d'art finement décorées à la feuille d'or.

L'appellation "Tarot de Marseille" n'apparaît qu'au XVIIIe siècle, lorsque la ville de Marseille devient un centre important de production de cartes de tarot. C'est à cette époque que le style iconographique que nous associons aujourd'hui au Tarot de Marseille se standardise. Les cartiers marseillais, bénéficiant de la position stratégique de la ville comme port commercial, ont largement contribué à la diffusion de ces jeux à travers l'Europe. Le tarot dit "de Marseille" est en réalité une codification française d'un modèle italien préexistant.

Les historiens identifient plusieurs maîtres cartiers qui ont joué un rôle crucial dans l'établissement du style marseillais. Nicolas Conver, dont le jeu date de 1760, a créé l'une des versions les plus emblématiques et influentes du Tarot de Marseille. Son œuvre est souvent considérée comme la référence classique et a servi de base à de nombreuses reproductions modernes. D'autres cartiers notables incluent Jean-Pierre Payen (vers 1713) et François Tourcaty (fin du XVIIIe siècle).

Le Tarot de Marseille n'est pas une invention spontanée, mais le fruit d'une lente évolution graphique et symbolique qui a cristallisé des influences culturelles variées en un système cohérent dont la puissance évocatrice traverse les siècles.

Plusieurs théories entourent les origines plus lointaines du tarot. Certains occultistes du XIXe siècle, comme Eliphas Lévi et Antoine Court de Gébelin, ont avancé l'hypothèse d'une origine égyptienne ancienne, voyant dans le tarot un livre de sagesse hermétique préservé sous forme de cartes. D'autres ont suggéré des liens avec la Kabbale juive ou les traditions gnostiques. Ces théories, bien que romantiques et séduisantes, manquent généralement de preuves historiques solides. Les recherches contemporaines suggèrent plutôt une évolution progressive à partir de jeux de cartes ordinaires, enrichis d'atouts symboliques reflétant la culture médiévale et renaissante européenne.

La transition du jeu récréatif à l'outil divinatoire s'est produite progressivement. Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que le tarot commence à être utilisé systématiquement pour la cartomancie. Antoine Court de Gébelin, dans son ouvrage "Le Monde primitif" (1781), est l'un des premiers à attribuer au tarot une signification ésotérique et divinatoire explicite. Jean-Baptiste Alliette, dit Etteilla, développe ensuite le premier système structuré de divination par le tarot, ouvrant la voie à son utilisation contemporaine avec un tirage en ligne sur temporel-voyance.com.

Symbolisme des arcanes majeurs du tarot

Le cœur symbolique du Tarot de Marseille réside dans ses 22 arcanes majeurs, véritables tableaux allégoriques dépeignant un voyage initiatique. Chaque carte représente une étape ou une force archétypale que l'être humain est susceptible de rencontrer au cours de son existence. Ensemble, elles forment un cycle complet qui, selon certains interprètes, symbolise le cheminement de l'âme depuis l'innocence initiale (Le Mat) jusqu'à l'accomplissement spirituel (Le Monde).

La richesse symbolique des arcanes majeurs puise dans diverses sources : iconographie chrétienne médiévale, alchimie, astrologie, et traditions hermétiques. Les images combinent des éléments visuels simples mais puissants : personnages aux postures significatives, objets emblématiques, animaux symboliques, et couleurs codifiées. Cette imagerie, apparemment naïve, dissimule en réalité des couches de signification qui se dévoilent progressivement à l'initié.

Le style graphique distinctif du Tarot de Marseille se caractérise par des lignes épurées, des couleurs primaires (rouge, bleu, jaune), et une perspective médiévale. Cette esthétique n'est pas seulement décorative mais fonctionnelle : elle permet une lecture claire des symboles et facilite la mémorisation des significations associées à chaque carte. Les détails apparemment mineurs – un geste, un accessoire, une direction du regard – constituent souvent des clés d'interprétation essentielles.

L'iconographie des 22 lames majeures

L'analyse iconographique des arcanes majeurs révèle un système cohérent de représentations. Le parcours débute avec Le Bateleur (arcane I), figure dynamique symbolisant le potentiel et les possibilités, et culmine avec Le Monde (arcane XXI), représentation de l'accomplissement et de la plénitude. Entre ces deux extrémités se déploie tout un spectre d'expériences humaines et spirituelles.

Certains arcanes représentent des figures d'autorité ou de pouvoir : L'Impératrice (III), L'Empereur (IV), Le Pape (V), incarnant respectivement le pouvoir créatif féminin, l'autorité temporelle, et la sagesse spirituelle institutionnalisée. D'autres évoquent des forces cosmiques ou des principes métaphysiques : La Roue de Fortune (X) symbolise les cycles du destin, La Force (XI) représente la maîtrise des énergies, tandis que Le Soleil (XVIIII) et La Lune (XVIII) incarnent les principes complémentaires de conscience et d'inconscient.

Les arcanes considérés comme plus difficiles , tels que La Maison Dieu (XVI) ou Le Diable (XV), ne sont pas nécessairement néfastes mais représentent des étapes nécessaires de transformation et de confrontation avec nos ombres. L'arcane sans nom (XIII), souvent appelé La Mort, symbolise la fin d'un cycle et la transition vers un nouveau commencement plutôt qu'une fin définitive.

  • Les figures royales (Impératrice, Empereur) représentent l'autorité et le pouvoir dans leurs manifestations masculine et féminine
  • Les cartes célestes (Étoile, Lune, Soleil) symbolisent différents niveaux de conscience et d'illumination
  • Les arcanes de transition (Mort, Maison Dieu) marquent des moments de transformation profonde
  • Les vertus (Tempérance, Force, Justice) incarnent des qualités morales et spirituelles essentielles

La carte du Mat, unique en ce qu'elle ne porte généralement pas de numéro (ou est numérotée 0 ou XXII selon les traditions), occupe une place spéciale. Elle représente le fou, l'innocent, celui qui s'apprête à entreprendre le voyage ou qui transcende les limitations conventionnelles. Sa position dans la séquence est ambiguë – début ou fin, ou peut-être hors du cycle linéaire – illustrant la nature circulaire du parcours initiatique.

Interprétations ésotériques des arcanes majeurs

Les interprétations ésotériques du Tarot de Marseille se sont considérablement développées à partir du XIXe siècle, lorsque des occultistes comme Eliphas Lévi ont commencé à établir des correspondances entre les arcanes et divers systèmes ésotériques. Lévi, dans son Dogme et Rituel de la Haute Magie (1856), a proposé des liens entre le tarot et la Kabbale, associant chaque arcane majeur à une lettre de l'alphabet hébraïque et à un sentier sur l'Arbre de Vie kabbalistique.

L'ordre hermétique de l'Aube Dorée (Golden Dawn), société ésotérique britannique de la fin du XIXe siècle, a approfondi ces correspondances, intégrant également des associations avec l'astrologie, l'alchimie, et la numérologie. Ces associations systématiques ont donné naissance à une véritable métascience du tarot, où chaque carte devenait un nœud dans un réseau complexe de significations interconnectées.

Pour les occultistes, le Tarot de Marseille n'était pas simplement un outil divinatoire mais un livre de sagesse codé, une représentation symbolique des forces cosmiques et des principes métaphysiques qui gouvernent l'existence. Selon cette vision, les arcanes majeurs constituaient un véritable traité de philosophie hermétique déguisé sous forme de cartes à jouer pour échapper à la censure religieuse.

Les 22 arcanes majeurs forment un alphabet symbolique complet, permettant d'exprimer toutes les nuances de l'expérience humaine et d'articuler les principes fondamentaux qui régissent l'univers visible et invisible.

Parmi les interprétations ésotériques notables, celle d'Oswald Wirth (1889) a exercé une influence durable. Wirth a redessiné le tarot en accentuant ses aspects symboliques et ésotériques, insistant sur l'idée que les arcanes majeurs représentaient un chemin initiatique vers la réalisation spirituelle. Son approche, plus intellectuelle et moins commerciale, a contribué à établir le tarot comme un système philosophique cohérent.

Au XXe siècle, les travaux de Paul Marteau ont apporté une dimension supplémentaire en accordant une attention particulière aux couleurs et aux détails graphiques des cartes. Son livre Le Tarot de Marseille (1949) a proposé un système d'interprétation basé sur une analyse minutieuse de chaque élément visuel, considérant que rien dans le design des cartes n'était accidentel.

Correspondances astrologiques et numérologiques

Le Tarot de Marseille s'inscrit dans un réseau complexe de correspondances avec d'autres systèmes symboliques, notamment l'astrologie et la numérologie. Ces associations enrichissent considérablement la lecture des arcanes et permettent d'établir des ponts entre différentes traditions ésotériques, créant ainsi une vision intégrée de la connaissance occulte.

Dans le système astrologique, chaque arcane majeur est traditionnellement associé à une planète ou à un signe du zodiaque. Par exemple, L'Empereur (IV) correspond au signe du Bélier, symbolisant l'autorité, l'initiative et la volonté de pouvoir. La Papesse (II) est souvent liée à la Lune, représentant l'intuition, le mystère et la connaissance cachée. Ces correspondances permettent d'enrichir l'interprétation des cartes en leur apportant les nuances propres aux énergies planétaires et zodiacales.

La dimension numérologique du tarot est tout aussi fondamentale. Chaque arcane majeur porte un nombre qui n'est pas arbitraire mais contribue activement à sa signification. Les nombres dans le tarot suivent les principes de la numérologie pythagoricienne, où chaque chiffre possède des qualités vibratoires et symboliques spécifiques. L'arcane I (Le Bateleur) incarne ainsi les qualités du commencement, de l'individualité et du potentiel, tandis que l'arcane V (Le Pape) exprime les notions de médiation, d'enseignement et de structure spirituelle.

Les nombres ne sont pas de simples outils de classification mais des entités vivantes qui imprègnent les arcanes de leurs vibrations particulières, créant un langage mathématique subtil qui sous-tend l'ensemble du système.

Certains nombres revêtent une importance particulière dans la structure du tarot. Le nombre 22, total des arcanes majeurs, fait écho aux 22 lettres de l'alphabet hébraïque et aux 22 sentiers de l'Arbre de Vie kabbalistique. Le nombre 7, présent dans plusieurs arcanes (VII - Le Chariot, XVII - L'Étoile), évoque les sept planètes de l'astrologie traditionnelle et les cycles septennaires de développement humain. Le nombre 12, quant à lui, renvoie au zodiaque et au cycle annuel, suggérant l'idée de complétude.

Les adeptes plus avancés du tarot travaillent également avec des calculs numériques complexes basés sur la réduction théosophique (addition des chiffres jusqu'à obtention d'un nombre entre 1 et 9). Cette méthode permet d'établir des relations subtiles entre des arcanes apparemment dissemblables mais liés par leur essence numérique. Par exemple, l'arcane XIX (Le Soleil) se réduit à 1+9=10, puis 1+0=1, le reliant ainsi vibrationnellement au Bateleur (I) malgré leurs manifestations très différentes.

Le tarot comme outil de divination

La fonction divinatoire du Tarot de Marseille, bien que n'étant pas sa destination initiale, constitue aujourd'hui son utilisation la plus répandue. Cette pratique repose sur l'idée que les cartes, tirées au hasard, peuvent révéler des informations pertinentes concernant le passé, le présent et les potentialités futures du consultant. Au-delà d'une simple prédiction, la divination par le tarot propose une réflexion approfondie sur les dynamiques à l'œuvre dans une situation donnée.

Le processus divinatoire commence par la formulation d'une question ou l'identification d'une préoccupation. Le consultant mélange ensuite les cartes, souvent en les imprégnant de son énergie personnelle par le toucher. Les cartes sont ensuite disposées selon un schéma préétabli appelé "tirage". Chaque position dans ce tirage possède une signification particulière : situation actuelle, influences passées, éléments inconscients, évolutions possibles, etc. L'interprétation naît de la combinaison entre la signification intrinsèque de chaque carte et sa position dans le tirage.

Parmi les tirages traditionnels les plus pratiqués figure le tirage en croix, composé de cinq cartes symbolisant respectivement la situation présente, l'obstacle ou le défi, le passé, le futur proche et le résultat potentiel. Pour des questions plus complexes, le tirage du fer à cheval (sept cartes) ou le grand tableau (dix cartes ou plus) offrent une lecture plus nuancée. Certains cartomanciens préfèrent travailler uniquement avec les 22 arcanes majeurs pour les questions spirituelles ou existentielles, tandis que l'intégration des arcanes mineurs permet une analyse plus détaillée des aspects pratiques de l'existence.

La lecture des cartes du Tarot de Marseille ne se limite pas à l'application mécanique d'un catalogue de significations. Elle requiert de l'intuition, de la sensibilité aux symboles et une capacité à percevoir les connections subtiles entre les différentes cartes du tirage. Un bon cartomancien développe progressivement un rapport personnel avec son jeu, affûtant sa capacité à discerner les nuances et les messages spécifiques que les cartes lui transmettent dans chaque situation unique.

Au XXIe siècle, la pratique du tarot a connu plusieurs évolutions notables. L'approche psychologique, popularisée par Carl Gustav Jung, envisage les arcanes comme des représentations d'archétypes de l'inconscient collectif. Dans cette perspective, le tirage n'est pas tant une prédiction qu'une projection de contenus psychiques inconscients, offrant au consultant une opportunité d'introspection et de prise de conscience. Une autre tendance contemporaine consiste à utiliser le tarot comme outil de coaching et de développement personnel, aidant à clarifier des situations, identifier des blocages et explorer des solutions créatives.

Le véritable pouvoir du tarot ne réside pas dans une supposée capacité à prédire mécaniquement l'avenir, mais dans sa faculté à éclairer le présent et à révéler les potentialités qui s'offrent à nous, nous rendant ainsi plus conscients et plus responsables de nos choix.

La démocratisation d'internet a également transformé la pratique du tarot avec l'émergence des tirages et d'autres plateformes spécialisées. Ces outils numériques rendent le tarot plus accessible mais soulèvent également des questions sur l'importance du contact physique avec les cartes et la relation énergétique qui s'établit traditionnellement entre le cartomancien, son jeu et le consultant.

Évolution du tarot de Marseille au fil des siècles

L'évolution du Tarot de Marseille reflète les transformations culturelles, artistiques et spirituelles des sociétés occidentales. Depuis ses origines italiennes jusqu'à sa forme contemporaine, ce système symbolique a sans cesse été réinterprété tout en préservant ses structures fondamentales, témoignant ainsi de sa remarquable adaptabilité et de sa pertinence durable.

Le XVIIIe siècle marque un tournant décisif dans l'histoire du tarot avec l'émergence de l'intérêt ésotérique pour ces cartes. Antoine Court de Gébelin, dans son ouvrage monumental "Le Monde primitif" (1781), est le premier à proposer une lecture symbolique et initiatique du tarot, y voyant un vestige de la sagesse égyptienne. Cette interprétation, bien que historiquement inexacte, a néanmoins orienté durablement l'approche du tarot vers l'ésotérisme. Jean-Baptiste Alliette, dit Etteilla, s'empare de ces théories pour créer le premier tarot spécifiquement conçu pour la divination, modifiant considérablement l'iconographie traditionnelle pour y incorporer des éléments égyptianisants et astrologiques.

Le XIXe siècle voit l'intégration du tarot dans le courant occultiste français, avec des figures comme Éliphas Lévi qui, dans son "Dogme et Rituel de la Haute Magie" (1856), établit des correspondances entre le tarot et la Kabbale. Cette période est caractérisée par une intellectualisation du tarot, désormais perçu comme une clé pour comprendre les lois universelles et accéder à la connaissance ésotérique. L'ordre hermétique de l'Aube Dorée en Angleterre poursuit ce travail en systématisant les correspondances entre le tarot et d'autres traditions ésotériques (astrologie, alchimie, numérologie).

Le début du XXe siècle est marqué par la création de nouveaux jeux de tarot qui s'éloignent parfois considérablement de l'iconographie marseillaise traditionnelle. Le tarot Rider-Waite-Smith (1909), créé par Arthur Edward Waite et illustré par Pamela Colman Smith, introduit une imagerie narrative plus explicite, particulièrement dans les arcanes mineurs, facilitant l'apprentissage et la lecture intuitive. Bien que n'étant pas à proprement parler un Tarot de Marseille, ce jeu a profondément influencé la perception moderne du tarot, notamment dans le monde anglophone.

La seconde moitié du XXe siècle connaît un regain d'intérêt pour les formes traditionnelles du Tarot de Marseille. Paul Marteau publie en 1949 une étude approfondie accompagnée d'une réédition fidèle du tarot de Nicolas Conver. Dans les années 1970, le cinéaste Alejandro Jodorowsky et le peintre Philippe Camoin entreprennent un travail de restauration, cherchant à retrouver les couleurs et détails originaux du Tarot de Marseille qui auraient été altérés au fil des réimpressions. Leur "Tarot de Marseille reconstitué" (1997) devient une référence pour de nombreux praticiens contemporains.

L'époque contemporaine se caractérise par une double tendance : d'une part, un retour aux sources avec la réédition et l'étude minutieuse des tarots historiques; d'autre part, une ouverture créative avec la multiplication des interprétations artistiques et thématiques. Cette période voit également l'intégration du tarot dans des approches psychologiques et thérapeutiques, notamment sous l'influence des travaux de Carl Gustav Jung sur les archétypes et l'inconscient collectif. Le tarot n'est plus seulement un outil divinatoire mais un support de méditation, d'introspection et de développement personnel.

Influence du tarot de Marseille dans l'art

L'impact du Tarot de Marseille dépasse largement le cadre de l'ésotérisme pour imprégner diverses expressions artistiques. Son riche univers symbolique, ses archétypes puissants et son esthétique distinctive ont inspiré peintres, écrivains, cinéastes et musiciens à travers les époques, témoignant de sa profonde résonance culturelle et de sa capacité à captiver l'imagination créatrice.

Dans les arts visuels, les surréalistes ont été particulièrement sensibles à la dimension onirique et symbolique du tarot. Salvador Dalí a créé son propre jeu de tarot dans les années 1970, y insufflant son style caractéristique tout en préservant la structure traditionnelle. Le peintre chilien Roberto Matta a intégré des éléments iconographiques du tarot dans plusieurs de ses toiles, tandis que l'artiste contemporaine Niki de Saint Phalle a réalisé dans son "Jardin des Tarots" en Toscane une interprétation monumentale et sculpturale des arcanes majeurs, créant un espace immersif où le spectateur peut physiquement pénétrer dans l'univers symbolique du tarot.

La littérature a également puisé dans l'imaginaire du tarot. L'écrivain italien Italo Calvino, dans son roman "Le Château des destins croisés" (1973), utilise les cartes du tarot comme structure narrative, chaque personnage racontant son histoire à travers une séquence d'arcanes. T.S. Eliot fait référence au tarot dans son poème "La Terre vaine" (1922), notamment à travers le personnage de "Madame Sosostris, célèbre voyante", et ses références au "marchand borgne" (Le Pendu) et à "l'homme aux trois bâtons" (Le Trois de Bâtons). Plus récemment, des auteurs de fantasy comme Stephen King dans "La Tour Sombre" ont intégré les archétypes du tarot dans la construction de leurs univers fictionnels.

Le cinéma s'est également approprié l'esthétique et la symbolique du tarot. Le réalisateur Alejandro Jodorowsky, lui-même tarologue reconnu, a intégré de nombreuses références aux arcanes dans ses films comme "La Montagne sacrée" (1973). Federico Fellini, fasciné par l'occultisme et la cartomancie, a parsemé son œuvre d'allusions aux figures du tarot, notamment dans "Huit et demi" et "Juliette des esprits". Plus récemment, le film d'animation "L'Illusionniste" (2010) de Sylvain Chomet présente un personnage de magicien dont l'esthétique évoque clairement l'arcane du Bateleur.

Dans le domaine musical, le tarot a inspiré plusieurs compositions. Le compositeur russe Igor Stravinsky a créé en 1938 un ballet intitulé "Jeu de cartes", bien que celui-ci se réfère davantage aux cartes à jouer ordinaires qu'au tarot proprement dit. La chanteuse canadienne Joni Mitchell a intitulé un de ses albums "The Hissing of Summer Lawns" (1975) en référence à l'arcane de La Papesse, tandis que le groupe de rock progressif Renaissance a sorti en 1978 un album intitulé "A Song for All Seasons" dont la pochette reproduit plusieurs arcanes du tarot. Plus récemment, la chanteuse américaine Stevie Nicks a fréquemment utilisé l'imagerie du tarot dans ses clips et ses performances.